Le Britannique d’origine malawite Marco Woolf s’improvise en raconteur d’histoire sur Francine, I, nouvel EP sensible et introspectif aux contours jazzy. On vous propose de découvrir le clip du premier single « Modus Operandi », accompagné d’une interview de l’artiste.
Depuis son EP Self sorti en 2018, Marco Woolf s’est laissé rattraper par une personnalité enfouie dans ses racines malawites, celle du raconteur d’histoires. Après ce premier essai folk aux accents jazz, le songwriter se prend lui-même à contrepied avec Francine, I, cinq nouveaux titres qui semblent profiter d’une brèche dans le mur du studio pour filer à l’anglaise, s’amplifier au contact de l’air et envahir les grands espaces adjacents. Avec la complicité de nombreux musiciens, guitare acoustique, basse, piano ou saxophone circulent à leur convenance sur des mélodies éthérées, se croisant et se superposant au gré de l’évolution imprévisible des structures offertes par le Britannique. Sur « With Love & Squalor », on reconnaît à la fois les codes de la mouvance UK jazz, la sensibilité d’une chanson folk à l’ancienne, et l’énergie des envolées massives du post-rock. Quant à lui, le morceau « Francine » cherche sa voie au milieu de chants africains, nappes ambient et cuivres aériens, cherchant alors à personnifier cette figure imaginaire qui sert de thème à l’EP. Cette omniprésente délicatesse caractérise aussi des chansons comme l’onirique « A Bridge Too Far » ou le puissant « Let’s Build This House » qui termine en feu d’artifice, traduisant alors un style en mouvement perpétuel, où l’atmosphère est susceptible de se densifier ou de s’évaporer à chaque nouveau chapitre de l’histoire. Si l’EP cache des messages sociaux et des histoires personnelles plus ou moins agréables, on le vit définitivement comme une expérience de rêve éveillé tant la musique de Marco Woolf est à la fois légère, complexe, riche et évidente, tout en fourmillant de micro-détails qui poussent à multiplier les écoutes, à l’image de ce « Modus Operandi », qu’on vous propose d’écouter et regarder ci-dessous.
Le communiqué de presse met l’accent sur l’improvisation. Quelle place occupe-t-elle dans tes performances live ?
Oui, clairement, lors de mes concerts, j’aime souvent inventer des histoires pour tisser une narration dans mon set ou pour donner un contexte à la musique que je joue. Je déteste parler entre les chansons, ça me rend vraiment anxieux. J’imagine que j’ai commencé à raconter ces anecdotes improvisées pour lutter contre ça. Mais j’aime aussi le jazz, et l’improvisation est ancrée dans cette tradition. J’aime l’idée d’une performance unique sur le moment, cela signifie qu’à chaque fois que je joue, ça sonne nouveau et je ne suis jamais vraiment sûr de ce qui va se passer, c’est comme ça que les choses restent excitantes pour moi.
Retrouve-t-on cet état d’esprit dans tes productions ?
En termes de production, l’impro entre complètement en jeu. J’ai travaillé avec plus de 20 musiciens différents sur ce projet – la liste de crédits est ridicule pour un EP de 5 titres ! – et je voulais vraiment que chacune de leur personnalité transparaisse dans la musique. Pour que cela se produise, j’avais besoin d’une certaine ouverture d’esprit en matière d’enregistrement. Il était vraiment important pour moi de créer un espace où chaque personne se sente suffisamment libre pour explorer, comprendre et ressentir les chansons d’une manière personnelle.
Réponds-tu à la question « qui est Francine ? » à travers cet EP ? Est-ce une vraie femme, un concept, ou peut-être les deux ?
Probablement les deux, Francine est apparue dans une histoire improvisée que j’ai racontée lors d’un concert donc il n’y avait pas d’idée préconçue dans sa création. Alors que je la décrivais, il y avait quelque chose dans le personnage de Francine, ou du moins ce qu’elle représentait, que je voulais vraiment explorer. Apparemment, le public a vraiment réagi à son histoire, après ce spectacle en particulier. Presque tous ceux qui sont venus me parler ont demandé « Alors qui est cette Francine ? » Je pense que l’image d’une figure de proue matriarcale est assez universelle. J’étais inspiré pour approfondir un peu son personnage et la musique de cet EP est venue en réponse à ce voyage.
Nous présentons aujourd’hui la vidéo de « Modus Operandi ». Quelle est l’histoire derrière cette chanson, et que souhaitais-tu montrer dans ce clip ?
« Modus Operandi » parle de l’expérience d’être un immigré, du sentiment de ne pas appartenir tout à fait à cet endroit qu’on appelle le « chez-soi ». Mais plus longtemps vous restez dans cet endroit, moins vous ressentez votre patrie comme étant votre maison. Vous restez constamment sur cette « frontière ». Quand je racontais l’histoire de Francine, je réfléchissais à ce que devait être cette expérience pour une mère. Mes parents ont choisi de déménager au Royaume-Uni principalement pour moi et mon frère. Maintenant, nos racines sont plus profondément ancrées au Royaume-Uni qu’au Malawi et nous ressentons souvent cette tension dans la façon dont nous nous identifions à nos parents. Je voulais que la vidéo dépeigne cette dichotomie et la guerre que cela crée dans l’esprit, mais aussi la détermination, le sens de la paix et la raison d’être que je voyais chez mes propres parents.
Ressens-tu tes racines musicales malawites lorsque tu composes ou joues une chanson ?
Comme tu peux le constater, la narration joue un énorme rôle dans ma musique et c’est certainement quelque chose que je tiens du Malawi. Je me souviens quand j’étais enfant, mes oncles et tantes me racontaient des contes folkloriques africains un peu fous qui donnaient des explications fantastiques sur la façon dont le monde fonctionnait. Je buvais leurs paroles, j’aimais tellement ces histoires. Beaucoup de ces histoires n’ont pas été écrites, sont transmises oralement et sont remodelées et adaptées au fil du temps. À chaque récit, l’histoire se transforme un peu, elle devient une chose vivante, qui respire. Ça se rapproche beaucoup de l’idée d’un standard dans le jazz. Pendant les moments où ma famille partageait des histoires, nous chantions aussi ensemble, ces deux choses vont donc de pair pour moi.
L’EP sortira le 30 juillet 2021 sur le label Phlexx Records, précommandez-le ici.